Protection de l’Enfant au Niger : Initiatives synergiques contre le mariage des enfants dans la région de Maradi
Malgré les efforts déployés par le gouvernement et ses partenaires, le Mariage des enfants persiste au Niger avec ses conséquences multiples, multiformes et néfastes dont la mortalité maternelle et infantile, la déscolarisation des filles. Cette pratique nourrit par des pesanteurs sociales et la pauvreté des ménages constitue une entrave à l’atteinte des objectifs de développement durable au Niger. Avec le financement du Ministère Fédéral Allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) dans le cadre du Projet ‘’Renforcement de la Résilience au Sahel’’, le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) se joignent au gouvernement dans la lutte contre le mariage des enfants, à travers les Comités Villageois de Protection de l’Enfant (CVPE) et l’accompagnement financier des jeunes écolières dans la région de Maradi où le fléau est récurrent.
Le CVPE, un dispositif communautaire efficace contre le mariage des enfants
Au niveau communautaire, des Comités Villageois de Protection de l’Enfant (CVPE) mis en place pour, entre autres, prévenir les violences basées sur le genre, particulièrement le mariage des enfants. Les CVPE veillent également à l’éducation des enfants, surtout les jeunes filles qui sont les plus soumises aux travaux ménagers et impliquées dans des pratiques de petits commerces au détriment de leurs activités scolaires.
Le CVPE de Jaja, commune rurale de Kornaka, est composé de 12 membres dont le Chef du village, l’Imam du village, le directeur de l’école, le major du CSI, des femmes, ainsi que des jeunes, filles et garçons. Selon Sanoussi Inoussa, Point focal du CVPE de Jaja, ce Comité a tenu beaucoup de séances de sensibilisation sur l’Enfant et ses Droits. « En milieu scolaire, nous sensibilisons les enseignants sur les actes et les comportements qui peuvent amener l’enfant à abandonner l’école. Le comité collabore également avec les enseignants pour lutter contre l’absentéisme des enfants à l’école », a-t-il affirmé. « Nous sensibilisons aussi, les communautés et les jeunes filles scolarisées sur les conséquences néfastes du mariage des enfants dont le décès maternel et infantile. Grâce à l’intensification de la sensibilisation par le CVPE, la communauté a pris conscience des dangers liés au mariage des enfants et s’en abstient » », a estimé Sanoussi Inoussa.

Pour ceux qui est de la scolarité des jeunes filles, selon le Point focal, le Comité, en collaboration avec les mères éducatrices a initié des sensibilisations porte à porte pour édifier les parents sur l’importance de la régularité et la ponctualité des filles à l’école. Lors de ces sensibilisations, le CVPE évoque aussi la nécessité d’accorder à l’enfant le temps nécessaire pour se reposer et réviser ses cours en dehors du temps de classe.
Pour sa part, Abdoulaye Souley, Imam du village et membre du CVPE de Jaja, a affirmé que les activités qu’il mène au niveau du comité le confortent dans son rôle de leader religieux, car elles sont également préconisées par leur religion.
« Une fois, en 2023, on m’a averti d’un imminent mariage d’enfant dans le village. En concertation avec les membres du comité je suis allé voir les parents de la fille et ceux du prétendant. Je les ai convaincus sur la nécessité d’ajourner le mariage jusqu’à ce que la fille soit en âge de se marier, afin d’éviter les risques multiformes liés au mariage précoce. Ils ont attendu deux ans après pour faire le mariage, c’est tout récemment qu’il a été célébré », a raconté Abdoulaye Souley.

Pour Rakia, une habitante de Jaja, le Comité Villageois de Protection de l’Enfant a permis de réduire le mariage des enfants dans le village et il contribue fortement à la poursuite de la scolarité des jeunes filles de cette localité. « Auparavant, nous marions nos filles à partir de l’âge de 13 à 14 ans, mais maintenant, avec la sensibilisation et l’implication des CVPE contre le mariage des enfants, nous ne marions nos filles que lorsqu’elles atteignent l’âge de 17 ou 18 ans », a-t-elle annoncé. « Et même si la fille est en âge de se marier, si elle est àl’école, nous la laissons poursuivre sa scolarité. En plus, nous n’imposons pas de maris à nos filles, comme nos parents nous l’avaient fait à notre temps, c’est à la fille de choisir la personne avec qui elle veut mener sa vie au foyer », a ajouté Rakia.

Le maintien de la jeune fille à l’école concoure à la lutte contre le mariage des enfants
Les dépenses scolaires constituent un obstacle majeur qui empêche aux chefs de famille de soutenir la scolarité de leurs enfants. Elles poussent également les jeunes filles à abandonner l’école et à s’exposer au mariage des enfants. A Guidan Gamaou Karama, dans le département de Mayahi, le programme d’octroi de bourses aux jeunes filles allège le fardeau financier de l’éducation des filles et incite les parents à les maintenir à l’école à l’abri du mariage des enfants.
Pour Abdoulrazak Magagi, père de deux filles boursières, il s’agit d’un grand soulagement. Les bourses octroyées à ses filles, le débarrasse de plusieurs dépenses notamment les frais de COGES, l’achat de fourniture, les frais de recréation. « Ce programme aide les parents et permet de maintenir les jeunes filles à l’école. Il motive aussi les autres filles à aller à l’école. A titre d’exemple, ma fille de cinq (5) ans me demande chaque fois de l’inscrire à l’école pour qu’elle bénéficie à son tour des avantages de ses grandes sœurs boursières », a témoigné Abdoulrazak Magagi.

Mabarouka Kalla, fille boursière en classe de Seconde au Lycée de Mayahi, bénéficie de cet appui depuis qu’elle était en classe de CM1 à l’école primaire de Guidan Gamaou Karama. Au Primaire, elle avait 8.000 FCFA par trimestre, 16.000 FCFA au collège et 24.000 FCFA au lycée. « C’est ce qui me permet d’avoir les tenues scolaires, de payer les frais de COGES, et d’acheter des fournitures scolaires complémentaires. C’est cet appui qui m’a permis de continuer les études jusqu’à mon admission au BEPC », a affirmé la jeune lycéenne. « Mes promotionnaires filles qui n’avaient pas bénéficié de cet appui, ont malheureusement abandonné, pour la plupart », a-t-elle déploré.
Selon Mabarouka Kalla, avant la mise en place de ce programme dans leur village, il n’avait que deux (2) ou trois (3) garçons qui arrivent à être admis aux examens de BEPC. Cet appui a beaucoup changé cette situation. En effet, maintenant, après chaque session d’examens de BEPC, Guidan Gamaou karama enregistre au-delà de vingt (20) admis dont une majorité de filles. « Nous qui sommes les premières bénéficiaires, nous avons réussi à servir d’exemple pour les filles y compris celles qui ne bénéficient pas de cet appui », a-t-elle laissé entendre.

Dans ses témoignages, le Chef de village de Guidan Gamaou Karama, Illa Moussa, a, pour sa part, expliqué qu’auparavant, lorsqu’ils inscrivaient leurs jeunes filles à l’école, elles finiraient par abandonner. Il n’y avait pas de collégienne, moins encore de lycéenne, dans le village. Mais, depuis que cette initiative est mise en œuvre, Guidan Gamaou Karama enregistre de plus en plus de filles qui poursuivent leurs études.
Boubacar Hamani LONTO
Envoyé Spécial
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